Je me rappelle comme si c’était hier du moment où j’ai pris la décision de retourner vivre ici après 8 ans au Canada. Je me souviens de l’enthousiasme, de la peur du changement, de ma conviction, mais ce dont je me rappelle le plus c’est la réaction des gens.
Ma famille m’a procuré un support inconditionnel, mais c’est plutôt les autres qui n’arrêtaient pas de me demander : « pourquoi? », « qu’est-ce que tu vas faire? », « dans le domaine de l’éducation, comment vas-tu t’y prendre? », etc. De plus, lorsque je mentionnais que ma spécialité était dans les troubles d’apprentissage et les troubles d’attention, ils avaient l’air encore plus perplexes.
Dès mon arrivée, j’ai tout de suite compris pourquoi ces gens réagissaient de la sorte. J’ai mené une étude du marché, j’ai rencontré plusieurs directeurs d’écoles, des enseignants et des professionnels de toute sorte (médecins, psychologues, etc.) et la réaction de ces derniers était toujours la même : on en a besoin! Cependant, à quel prix?
Malgré cette inquiétude liée au coût des services que témoignaient plusieurs, nous devons tout de même admettre que l’accueil reçu par La Ressource dès l’inauguration a été prompt et chaleureux. En effet, nous avons été accueillis à bras ouverts par des directeurs de plusieurs écoles, des professeurs, des professionnels de domaines connexes, mais surtout par les parents. Ces derniers se présentaient à La Ressource, anxieux, désemparés et très souvent en larmes. Ce n’était pas seulement parce que leur enfant – soit leur bien le plus cher – nécessitait d’un encadrement et d’un suivi plus spécialisés, mais c’était aussi et surtout à cause de ces mots blessants et de cette injustice criante auxquels font face chaque jour leurs enfants dû à leur manière d’apprendre.
Il est très dommage que ces jeunes, nos enfants, doivent face à des défis aussi difficiles ainsi qu’à un tel manque de compréhension de la part de leurs pairs et/ou de leurs aînés.D’autant plus qu’un trouble d’apprentissage n’affecte en aucun cas l’intelligence de celui qui en souffre. D’ailleurs, leur potentiel intellectuel est moyen ou même supérieur à la moyenne. Cependant, mes élèves arrivent ici et me disent qu’ils sont traités comme s’ils n’arrivaient à rien comprendre.
Évidemment, à cause de ma formation et de mon parcours, j’ai tendance à comparer les systèmes et il m’est fort difficile de contenir ma frustration lorsque je réalise à quel point nous sommes très loin d’être là où nous sommes censés être.
En Haïti, avoir un trouble d’apprentissage veut dire : être limité, être mal compris, ne pas pouvoir rentrer dans cette fameuse boîte invisible que possèdent toutes – sinon la majorité des institutions de chez nous, et bien sûr, ne pas pouvoir recevoir tout le support nécessaire.
Il est important de mentionner toutefois, que certaines écoles font bien leur possible avec les moyens du bord pour encadrer ces élèves particuliers. Néanmoins, ce n’est souvent pas assez malheureusement. Certains professeurs, quant à eux, essaient également de faire leur possible, encore là, ces derniers ne sont pas toujours supportés par la direction. Tout ceci contribue à accroître le désespoir des parents que nous rencontrons à La Ressource, car ils se sentent désemparés et se retrouvent sans ligne directrice face à une situation qui les dépasse beaucoup trop.
Nous avons besoin de conseil scolaire, de plan d’intervention individualisé, de la formation continue des enseignants, d’adaptation et surtout de volonté. Nous devons pouvoir procurer à chaque élève l’encadrement qu’il nécessite, quelle que soit sa difficulté, quelque soit son niveau afin que l’avenir de demain soit assuré. Après tout, les enfants, nos enfants, sont bien la relève de notre pays, non…?